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Atmosphère familière, au calme confortable, loin du climat studieux et tendu qui ailleurs la mettrait mal à l’aise. Atmosphère qui détonne, par là-même, avec l’agitation interne qui s’est emparée d’elle, et refuse de la lâcher. En ébullition, elle bouillonne de l’envie de s’épancher, et de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de lâcher, se libérer. La pression l’agite, se traduit en fébrilité qu’elle peine à maîtriser.
- J’ai besoin de me concentrer…
La menace de la deadline, de l’exigence à satisfaire, pèse sur elle de tout son poids, empêchant ses envolées intérieures de trouver une voie d’expression. Frustrée, elle tâche de se concentrer sur les phrases à rédiger, les mots à assembler, qui ne parviennent pas à l’intéresser, trop loin, dans leur immobilité, de l’agitation dont elle est toute entière saisie. Agitation qui se manifeste par un claquement de dents, dans le vide, sans adresse et pourtant adressé, à lui en face dont elle espère qu’il ne le percevra pas, à eux en elle dont elle appelle le soutien – sans réellement savoir s’ils lui seront d’une grande aide, ni si elle assume le signal qu’elle leur envoie.
« Signal que nous recevons, toutefois. »
Elle peine à acquiescer, veut à moitié nier, finit par gémir intérieurement.
- Je n’arrive pas à savoir duquel de vous je veux l’aide…
Ses mots sonnent comme une évidence. Une seule des voies qui lui sont offertes semble aboutir à une solution, et elle l’appelle en silence, tout en sachant qu’elle rechignera de tout son être à s’y engager – par manque d’envie, d’intérêt, par excès, surtout, de cette agitation dont elle ne parvient à se dessaisir.
« Vous savez pourtant que votre travail vous intéresse. Voire, les intéresse. »
- Mais il me stresse. Et je veux… autre-chose. Je n’arrive pas à me concentrer.
Elle se demande, en fond, si écrire va l’aider. Exprimer, et par là calmer l’énergie dont elle déborde et qu’elle ne parvient pas à canaliser.
- Je ne sais pas si on peut parler d’énergie… C’en est une forme, mais bien particulière, qui se cherche un moyen d’expression.
« Moi, je sais comment l’exprimer… »
Son ventre se tord à cette pensée. Elle gémit derechef, jette un coup d’œil en face d’elle et, dans le même temps, en biais, vers la troisième présence, pour l’instant silencieuse, mais qui se délecte de la situation, sourire aux lèvres. A cette vision, qui renforce la conscience qu’elle a de cette énergie bouillonnante, et, surtout, la focalise à la fois sur ce qu’évoquait Clara et sur les pouvoirs d’induction qu’il a sur elle, c’est cette fois tout son corps qui se tord. Elle veut se plier en deux, disparaître – lui bondir dessus, enfoncer ses griffes dans sa chair impalpable, le mordre jusqu’au sang qui ne coule pas dans ses veines inexistantes.
Nouveau gémissement, qui manque cette fois de franchir ses lèvres. Tout ce qu’elle pourrait mordre, pour l’atteindre, c’est elle-même.
« Ou lui… »
D’une pichenette mentale, elle chasse cette solution, écartée depuis que, quelques temps plus tôt, il lui en a signifié l’impossibilité.
- Pourquoi crois-tu qu’on soit autant à fleur de peau ? C’est savoir qu’on ne peut pas – et avoir lu ce fichu texte…
« Et ses interventions, qui n’aident pas du tout – alors que moi, je pourrais nous aider. »
A peine cette pensée l’a-t-elle effleurée qu’elle sent un double rejet lui faire face. Elle prend conscience que le sien n’est dicté que par le second, celui des yeux clairs qui la fixent, sûrs d’eux, et de leur emprise sur elle. Emprise dont la conscience lui arrache une nouvelle torsion.
« Chasse le. »
- Vous avez trouvé un point de désaccord, fait-elle remarquer, plus pour tenter de détourner l’attention et d’alléger l’atmosphère que par réel intérêt.
Elle détourne les yeux, tachant de trouver dans ce qui l’entoure quelque-chose qui accrocherait son attention, sachant qu’ils ne sont pas dupes, et que sa piètre tentative est éventée – et ne fait que souligner les difficultés qu’elle a à se débattre. Elle évite l’espace devant elle, chassant de sa conscience ce point qui, loin de l’aider, renforcerait le poids du regard qui l’électrise, en lui ajoutant un double, physique celui-ci, auquel le premier s’empresserait de se fondre.
A cette pensée, elle fait de nouveau volte-face sur elle-même, sur ses pensées, cherchant vainement une échappatoire, lançant des appels à la présence qui s’efface de plus en plus, seule à pouvoir – peut-être – la tirer de là.
- Serait-ce plus efficace de les ranger derrière vous ?
« Pour cela, peut-être faudrait-il d’abord leur enlever de leur force. »
Alors qu’elle s’interroge, elle saisit à un mouvement à la périphérie de son attention que les autres ont compris. Clara s’approche, se place entre Mïrïm et elle, hésitant visiblement à s’interposer.
« Si même Psyché me laisse faire, tu ne vas pas te mettre en travers de ma route ? »
« Je sais là où tu veux nous emmener, et cela me plaît moyennement. »
« J’ai deux options, et si tu m’empêches d’utiliser la première, c’est sur toi que la seconde va se concentrer. »
La menace de Mïrïm, pesant sur Clara, lui permet, à elle, d’être reléguée un instant au rôle de spectatrice. Puis la nyambl fait un pas en arrière face au prédateur, qui, souriant toujours, la fixe de nouveau et la saisit. La tension, qui avait un peu diminuée, revient en force, la prend aux tripes, et la propulse, ailleurs, là où il l’a souhaité – et là où elle a conscience qu’il la souhaite, même si elle tachait jusqu’alors de le nier, dans l’espoir de ne pas s’y retrouver.
L’appartement est en désordre, à moitié dans l’obscurité. Sur elle, un double poids tente de la clouer au sol. Poids du corps, qui la plaque, et dont elle ne peut se défaire. Et, bien plus fort, poids du regard, qui la transperce, et que tout son être tente de repousser. Elle se débat, fuit, se détourne, échappe… pour toujours être rattrapée, plaquée de nouveau, violemment, au sol ou contre un mur. Ses contre-attaques, violentes, qu’elle a depuis longtemps renoncé à contenir, n’ont pas davantage de succès, ne lui attirant que coups en retour, douleur violente, qui tente d’annihiler chez elle toute résistance.
Elle se roule en boule, régulièrement, et sent poindre la tentation de renoncer, tentation que double une voix, qui lui susurre, de se laisser faire, d’abandonner, que cela sera plus facile, que la tempête, si elle ne se dresse pas contre elle, finira par passer.
Dans le couloir, elle se détourne de la fenêtre et de la scène qui se déroule sous ses yeux, et qu’elle refuse de soutenir.
-Tu essaies encore de nous utiliser. Il n’est pas question de moi dans tout ça, de travail ou de concentration, mais de toi et toi seul, et de la délectation de me voir battue, dans les deux sens du terme.
« Presque bon. Sauf qu’il s’agit de la délectation de te voir te voir battue. Dans les deux sens du terme. »
Elle se sent chuter, jette en tous sens des regards affolés, cherche une prise… qu’elle saisit. Elle est stable. Elle sourit – faiblement – elle peut encore se battre. Avec résolution, elle se retourne vers la fenêtre, et la scène de combat qui se déroule dans la pièce, et la présente à elle-même. Elle guette.
Sursaut en son être. Elle ne cèdera pas. Plus la tentation se fait forte, plus sa volonté s’affermit, combat, prend corps en elle. Elle résiste. Se bat. Dans un cri, des cris, animaux, venus de ses entrailles, de son refus de renoncer, de céder à la force qui s’exerce contre elle, voudrait la faire plier, mais face à laquelle elle ne ploiera pas. Refus qui s’incarne dans une parole, répétée, en boucle, hurlée, d’une voix qu’elle reconnaît à peine comme sienne et qui contient pourtant tout son être :
- NON.
Elle puise, dans cette ultime négation de la volonté qui tente de la briser, la force de soutenir la puissance destructrice du regard qui, plus que les coups qui la frappent, que les morsures qui la meurtrissent, que les torsions qui la blessent, pénètre sa résistance et menace son intégrité. Et, à la voix qui lui susurre d’abdiquer, elle répond, par les larmes qui la débordent, la souffrance qui l’emporte, les cris qui lui échappent : non.
- Tu as eu ce que tu voulais ?
Elle le défie du regard, se tenant entre le spectacle et lui. Il s’approche lentement, saisit ses cheveux, et ses yeux et sa voix se confondent à ceux qui, dans la pièce d’à côté, tentent de la dévorer :
« Tu as beau dire non, tu sais que toujours, toujours, nous te vaincrons. »
La formule, et le nous employé, la jettent au sol, grondante, feulante – tendue, dans l’attente. Elle hurle, se jette sur lui, tout en souhaitant le repousser. Elle ne sait plus si elle refuse ou désire le contact, son contact, leur contact, qui la brûle et l’attire, qu’elle rejette et dont la simple idée l’électrise. Elle veut les fuir, et la moindre distance la frustre et la fait gémir.
Bloquée, coincée, plaquée par l’évidence de l’assertion que lui impacte, en boucle, le double regard, elle hurle, et ses cris se mêlent à ceux qui envahissent le salon. Elle se mord le bras.
« Nous y voilà. »
Elle décide d’ignorer la voix satisfaite, de faire disparaître son auteur – qui accepte de la laisser en paix. Elle est épuisée. Vidée. Lavée, aussi – du moins en partie – de cette énergie qui la débordait et qu’elle a lâché sous le regard qui la broyait. Elle ronchonne un peu, se tourne vers Psyché :
- Bien vu, votre plan. A cela près qu’il ne nous reste que vingt minutes pour travailler…
« Je n’ai jamais prétendu qu’il était parfait. »